La basilique Sainte-Praxède, bijou de l’histoire des arts

Édifiée au IXème siècle à Rome, principalement sous les ordres du pape Pascal Ier, la basilique Sainte-Praxède (ou Santa Prassede) est un joyau du Haut Moyen-âge. C’est aussi un rare témoignage de la formidable Renaissance carolingienne. Elle nous est parvenue et mérite une attention particulière.

Histoire de la Basilique Sainte-Praxède

Qui est Sainte-Praxède ?

Avant même d’avancer dans cette étude, rappelons l’origine du nom de cette basilique. Qui est Sainte-Praxède (Prassede en italien | Praxedes en latin) ? Tout d’abord, elle aurait appartenu à une riche famille romaine. Là, les histoires convergent vers un Saint Pudens, qui pourrait être un de leurs ancêtres. Il est notamment reconnu pour avoir été un des premiers convertis au Christianisme à Rome et aurait hébergé l’apôtre Saint-Pierre, le premier pape.

Praxède et sa soeur Pudentienne (Pudenziana en italien) auraient notamment utilisé leur statut social pour aider les pauvres chrétiens mais aussi pour les cacher des persécutions menées sous les empereurs romains. De plus, elles assistaient les familles pour ensevelir les corps des premiers chrétiens de Rome. La maison personnelle de Praxède pourrait avoir été une domus ecclesiae.

Domus ecclesiae : maison privée transformée en lieu de prière (églises) pour les premiers chrétiens.

Dans un contexte qui n’est pas clair, elles furent sans doute démasquées, et exécutées à Rome sous le règne de l’empereur Antonin le Pieux. Considérées martyres, elles furent enterrées dans les catacombes sainte Priscille, à Rome.

Un premier lieu de culte semble s’établir au IVème siècle ou au Vème siècles, sur l’ancien emplacement de la maison de Praxède. Et les reliques de Praxède, déclarée Sainte, sont transférées dans le Presbyter Tituli Praxedis.

Un projet, deux papes

Cette première église se retrouve dans un état déplorable à l’époque où Adrien Ier est pape. D’ailleurs, c’est un proche de Charlemagne, qui détruisit le royaume des Lombards en venant lui porter secours. Adrien Ier veut restaurer la grandeur de Rome. Ainsi, dans les chantiers qu’il lance, il rénove l’église de Praxède dans les années 780.

Cependant, c’est un autre pape, lui aussi proche de Charlemagne, qui mène les plus importants travaux. De fait, Pascal Ier, élu pape en 817, lance une grande politique de reconstruction religieuse. L’église Sainte-Praxède rénovée par Adrien Ier est alors entièrement reconstruite ! Pascal Ier en fait même un de ses chantiers les plus importants. L’idée est notamment d’y accueillir les reliques des premiers chrétiens de Rome, jusqu’alors enterrés dans les catacombes. Enfin, Pascal Ier y intègre un projet très personnel : une chapelle dédiée à mère, Théodora.

Jusqu’à nos jours

La basilique Santa Prassede a certes survécu jusqu’à nos jours, mais son architecture sous Pascal Ier ne tient plus qu’en une partie du décor et de la structure. Les nombreuses restaurations et les multiples ajouts ont profondément modifié le lieu. Ainsi, de nos jours, on ne gardera, de ce joyau construit sur la fin du règne de Charlemagne, que les magnifiques mosaïques, quelques chapelles et des reliques, ainsi que la crypte.

Une basilique dans le plus beau style de la renaissance carolingienne

Elle est considérée comme une basilique mineure, c’est à dire une église de grande renommée mais non nommée basilique par le Saint-Siège à Rome, elle est un rare témoignage de la qualité des artistes de l’époque carolingienne en Italie.

Basilique mineure : une église de grande renommée mais non nommée basilique par le Saint-Siège à Rome.

C’est un des derniers témoignages de l’art et de l’architecture de la Renaissance carolingienne.

Architecture de la basilique Sainte-Praxède construite sous Pascal Ier

L’architecture de la basilique Sainte-Praxède consiste en une mixité. Tout d’abord un atrium à l’entrée. C’est une cours rectangulaire avec un espace central non couvert. C’est une inspiration directe des villas construites par les romains dans l’Antiquité. Ensuite, il y a la basilique en elle même : constituée d’une nef centrale et d’un transept, formant le plan en croix.

De nos jours, l’aspect extérieur comme l’architecture au sol ont bien changé. L’atrium a disparu. Seule l’archéologie en atteste et quelques restes. La nef a été énormément restaurée, même si des colonnes existent toujours. C’est surtout le chœur et le transept construits sous Pascal Ier qui ont survécu.

Les rénovations ont partiellement effacé la construction réalisée sous Pascal Ier. Cependant, elle reste un rare témoignage de l’architecture carolingienne. La renaissance carolingienne aura grandement marqué l’architecture religieuse romaine sous les papes Adrien Ier, Léon III, Étienne IV et Pascal Ier.

Les mosaïques du temps de Pascal Ier dans la basilique

Pour conclure, la basilique est surtout célèbre pour ses mosaïques du IXème siècles. Restaurées depuis, elles sont le témoignage des inspirations romaines et byzantines. De fait, elles ont contribué à la renaissance carolingienne. Ce sont des mosaïques dans le style byzantin. On les trouve dans le chœur et sur les arches au fond de la basilique. En effet, elles ont été réalisées sous Pascal Ier : on retrouve son monogramme papal.

Toutes sont dans le thème du second retour du Christ, qui annoncera la fin des temps.

• Sur l’arche du chœur, une mosaïque représente la « Jérusalem céleste ». Jésus est au centre, accompagné de deux anges. De chaque côté, des apôtres. Sainte-Praxède est représentée aux pieds d’un des anges, près du Christ.

• Dans le fond du chœur, en hauteur, sous l’arche : une mosaïque représente de nouveau le Christ. La main de Dieu le couronne depuis les cieux. A sa gauche, on distingue : le pape Pascal Ier (il n’a pas d’auréole mais un carré : signifie qu’il était vivant au moment de la construction), Sainte-Praxède et Saint-Paul. A sa droite : Saint-Pierre, Sainte Pudentienne (soeur de Sainte-Praxède) et un saint, possiblement Saint-Zénon. Sous cette fresque, douze moutons représentent les douze apôtres.

Enfin, d’autres mosaïques nous sont parvenues. Seuls quelques autres fragments datent bien du temps de Pascal Ier. Les autres mosaïques sont plus récentes.

Pour aller plus loin sur la basilique de Sainte-Praxède

• Ce superbe article de Raphaël Demès, « Espace et art de la formule visuelle à Rome sous le pontificat de Pascal I^er (817-824) : l’exemple de la basilique Sainte-Praxède  », dans le Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA, 18.1, numéro de l’année 2014, mis en ligne le 13 juin 2014, consulté le 24 novembre 2022. Consultable entièrement en ligne ici.
• « Holy Monday at Santa Prassede: Stational Liturgy and Paschal I’s Mosaic Decoration », article de Martin F . Lešák, publié en 2020 au sein de l’ouvrage Step by Step Towards the Sacred: Ritual, Movement, and Visual Culture in the Middle Ages. A consulter : ici.
• Rome : Portrait d’une ville : 312-1308, édition traduite en français en 1999 de l’ouvrage Rome : Profile of a city, par Richard Krautheimer, publié en 1981 aux presses universitaires de Princeton.

• The Rome of Pope Paschal I: Papal Power, Urban Renovation, Church Rebuilding and Relic Translation, 817-824, par Caroline Goodson, publié aux Presses de l’Université de Cambridge en 2010.

Cédric LABROUSSE

Le 25 novembre 2022

Un article inédit par Cédric Labrousse – Tous droits réservés quant à la production personnelle de l’auteur. Tout usage doit être associé au fait de citer l’auteur, le titre originel et le lien vers cet article. Sous réserve de poursuites.