Analyses d'oeuvresHistoire des artsNiveau 5ème

La basilique Sainte-Sophie, puissance et merveille des arts

La basilique Sainte-Sophie, puissance et merveille des arts
La basilique Hagia Sophia (Saint-Sophie) | Source : dépôt libre de Niek Verlaan sur Pixabay.

La basilique (ou église) Sainte-Sophie, symbole de puissance, merveille des arts, domine toujours le détroit du Bosphore. Aujourd’hui redevenue une mosquée, suite à une décision du président turc Tayyip Recipe Erdogan, elle se tient debout malgré ses quasi 1500 ans. Joyau de l’architecture de Constantinople (aujourd’hui Istanbul), elle est passée des grecs byzantins aux turcs ottomans. La basilique est encore aujourd’hui admirée pour ses décors somptueux qui rappellent sa longue histoire. Cet article revient sur la place de cet édifice dans l’histoire de l’architecture et des arts. Un lieu de rencontre entre cultures, grecque et arabo-turque, et religions, Christianisme et Islam.

Quelle place dans les programmes scolaires ?

La basilique ne sera pas une inconnue pour les élèves. Ils la croiseront en 5ème, quand ils étudieront l’empire byzantin puis sa conquête par les turcs ottomans. Ils pourront l’étudier de nouveau en seconde générale. Enfin, en première générale, pour ceux qui choisiront la spécialité Histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques sur les rapports entre Etats et religions.

La longue histoire de la basilique Saint-Sophie

Pour bien comprendre l’importance de ce vaste édifice, aujourd’hui encore, plongeons nous dans son histoire millénaire.

De Byzance à Constantinople, du temple d’Apollon à la première église

En lieu et place de la basilique se trouvait autrefois un sanctuaire dédié à Apollon. La zone est un surélevée. On parle alors d’une acropole (une ville haute). Là, on trouvait plusieurs temples dont celui d’Apollon mais aussi un autre dédié à Aphrodite. La ville est longtemps une cité grecque. Elle est un temps soumise à une cité grecque bien plus puissante : Athènes. Quand la Grèce tombe sous le contrôle des romains, Byzance est conquise avec les autres cités. Elle devient une petite cité influente et bien située. En effet, elle est au passage du Bosphore qui sépare la Mer Noire de la Mer Méditerranée. Autant dire que si un bateau veut circuler, il doit passer par là.

Byzance est une ville romaine peu importante. Elle est bien éloignée des affaires de Rome et des empereurs. Jusqu’au jour où un de ces empereurs, Constantin Ier est le seul empereur en 324. Il avait déjà fait parler de lui en devenant le premier empereur chrétien (en 312). Or Constantin veut changer de capitale. Le 11 mai 330, Byzance devient officiellement la ville (polis en grec) de Constantin : Constantinopolis, que l’on connaît mieux comme Constantinople.

Constantin, le fondateur de Constantinople et bâtisseur d'une première église plus tard remplacée par la basilique Sainte-Sophie.
Le Forum de Constantin à Constantinople, construit par l’empereur, vers 335 | Buste de l’empereur Constantin.

Certains estiment que c’est Constantin qui a demandé la construction d’une première église. C’est en tout cas sous le règne son fils, nouvel empereur, qu’une église est construite à la place du temple d’Apollon. Dès lors, cette église est déjà la plus grande de Constantinople. Mais elle est incendiée quelques décennies plus tard. Une basilique est reconstruite au même emplacement. Seulement, les choses se répètent : lors d’une révolte, cette première basilique est livrée aux flammes !

Le joyau de Justinien : la basilique de Sainte-Sophie

Tout d’abord, le contexte nouveau. En effet, l’empire romain n’existe plus. Du moins, sa partie occidentale. Sa partie orientale, centrée autour de Constantinople, survit. On parle alors d’empire romain d’Orient. Et Constantinople en est la capitale. Dans les années 530, Justinien est l’empereur d’Orient. La première basilique est détruite durant une révolte contre lui. Ayant vaincu ses adversaires, il demande immédiatement une reconstruction de la basilique. Mais il demande un édifice bien plus grand. En seulement six années de travaux, la basilique, immense, est construite.

Constantin, à droite. Justinien, à gauche, bâtisseur de Sainte-Sophie, symbole de sa puissance.
Constantin, à droite, fondateur de Constantinople, qu’il présente au Christ tenu par la Vierge Marie. A gauche, l’empereur Justinien présente la basilique Sainte-Sophie. Mosaïque réalisée en 944, située à Sainte-Sophie, Istanbul. Crédits : Chris Bertram.

Finalement, le 27 décembre 537, Justinien inaugure la basilique aux côtés du patriarche de Constantinople. Elle prend le nom de la « sagesse » (hagia en grec) « divine » (sophia en grec). Hagia Sophia. Sainte Sophie.

La basilique reconstituée en images de synthèses, telle qu’elle était visible entre les années 800 et les années 1400.

La basilique connaîtra plusieurs épisodes dramatiques. Sa coupole, prouesse architecturale, s’écroula plusieurs fois, notamment à cause de tremblements de terre successifs. Ainsi, la coupole gagna sa forme définitive en 557. Quant à la basilique, elle a subi des dizaines d’effondrements partiels. Mais à chaque fois, les empereurs décidèrent la reconstruction.

D’une église à une mosquée

Dans un premier temps, la basilique fut un symbole de la puissance de l’Eglise chrétienne. Puis de l’Eglise orthodoxe après le schisme (rupture) de 1054 avec le pape de Rome. Lieu de culte, de célébrations impériales, elle fut le cœur battant de la religion à Constantinople. Mais une ville si formidable attire forcément les appétits. En 1204, Constantinople est envahie par… les chrétiens normalement venus à son aide ! Les croisés, en route vers la Palestine, décidèrent de s’en prendre à Constantinople.

Mais c’est un autre adversaire, bien plus puissant, qui se présente aux portes de la ville au XVème siècle. Les turcs ottomans ont conquis de vastes territoires. Les byzantins reculent toujours plus. Jusqu’à ce que Constantinople se tienne seule, isolée. En 1453, le sultan Mehmet II assiège la cité. Dans un premier temps, elle résiste. Mais elle ne peut que plier le genoux devant le conquérant. Visitant la ville, le sultan s’émerveille devant Sainte-Sophie. Puis il s’étonne surtout de son état : elle tombe en ruines. Il entame les premiers travaux et la transforme en mosquée. La basilique Sainte-Sophie devient la mosquée Ayasofya (en turc). En conséquence, des architectes successifs construisent ce qu’il manque au bâtiment pour en faire entièrement une mosquée. Les mosaïques byzantines sont recouvertes (mais pas détruites).

La mosquée Ayasofya - Sainte-Sophie en 1852 avec ses quatre minarets, symboles de la puissance de l'Islam.
Façade occidentale d’Hagia Sophia, vue depuis la madrasa (école religieuse). Lithographie par Louis Haghe, d’après Gaspard Fossati, 1852 | Fond Wiki Commons.

Un temps musée, elle redevient une mosquée

Après son coup d’Etat et la fin du califat, Mustafa Kemal Atatürk, devenu le chef tout puissant de la République de Turquie, ordonna la transformation de la mosquée en musée. Dès 1935, les grands panneaux islamiques sont retirés. Un archéologue spécialiste des byzantins, Thomas Whittemore, obtient l’autorisation de redécouvrir les mosaïques chrétiennes. Jusqu’en 2020, et la décision d’en refaire une mosquée, Sainte-Sophie a accueilli des millions de touristes du monde entier.

La basilique Saint-Sophie, puissance et merveille par les arts

Une architecture audacieuse

L’architecture de Sainte-Sophie défie tous les édifices de l’époque. Il faudra attendre presque mille ans pour qu’une église, la Cathédrale de Séville terminée en 1507, la dépasse en proportions !

Le projet alla à deux architectes de l’époque : Isidore de Millet et Anthémius de Tralles. Mathématiciens et ingénieurs, ils s’efforcèrent de bâtir un symbole de puissance pour Justinien. l’édifice d’origine (537) est immense : 77 m sur 72 m. La première coupole ayant été remplacée, la seconde s’élève encore plus haut : à 56 mètres au dessus du sol de la basilique ! Et un diamètre de 31 mètres ! Une prouesse qui a survécu jusqu’à nos jours !

L'évolution de la basilique Sainte-Sophie. Symbole de la puissance des empereurs byzantins.
Tous les droits de l’illustration d’origine reviennent à : Byzantium1200.

Des décors byzantins

Sainte-Sophie se devait d’être à la fois un symbole de puissance et une merveille des arts. Pour arriver à cet objectif, les empereurs de Constantinople ont fait décorer la basilique avec de formidables mosaïques. Mais durant une violente dispute à l’intérieur du christianisme, il fut décidé de les détruire en grande partie : il ne fallait pas prier des images, mais Dieu et le Christ directement. On a donc perdu les mosaïques d’origine.

Cependant, dès le IXème siècle, des mosaïques refont leur apparition. Des artistes en réalisent de majestueuses. La plus célèbre, et toujours existante, représente le Christ enfant dans les bras de la Vierge Marie, à la base de la coupole.

Vierge Marie et l'enfant Christ dans Sainte-Sophie, merveille des arts.
Vierge Marie à l’enfant (Jésus Christ). Icone du Xème siècle. Sainte-Sophie. Istanbul. Crédits : Klook.com.

Après la prise de la ville en 1453, les autorités ottomanes musulmanes font masquer les mosaïques par du plâtre. En Islam, il est interdit de représenter les personnalités d’une autre religion. Mais les mosaïques ne furent pas détruites. Et elles ont survécu !

C’est sous l’ordre d’un calife turc, Abdülmecid Ier, que deux frères suisses, Gaspare et Giuseppe Fossati, furent autorisés à restaurer la basilique – mosquée. Ils redécouvrirent les mosaïques mais les protégèrent, à leur tour, avec une fine couche de peinture. Les carnets de dessins des Fossati ont servi plus tard à restaurer les mosaïques quand la mosquée devint un musée en 1935.

L’Islam et son apport artistique et architectural

Sous le règne des califes ottomans, la basilique entame sa transformation en mosquée. Elle est alors partiellement modifiée. Si les califes préservent la structure, ils entament de nombreux travaux. Dès le XVème siècles, des minarets sont construits autour de la mosquée. Mais c’est au XVIème siècle, notamment sous l’architecte ottoman Mimar Sinan, que les minarets trouvent leur forme définitive. A l’intérieur, un mirhab est édifié : il indique l’orientation de la prière vers la Mecque.

Les ajouts menés par les sultans et califes ottomans. Le mirhab, eu centre, très décoré. A gauche, le minbar doré, d’où l’imam guide la prière. Source.

Tout autant, ce sont les peintures et symboles islamiques qui s’additionnèrent à la beauté des lieux. Des artistes musulmans repeignent des coupoles avec des calligraphies arabes. Enfin, de grands panneaux circulaires furent élevés. Ils indiquent les noms d’Allah, de Muhammad et de ses petits-enfants Hassan et Hussein, ainsi que ceux de quatre califes. Retirés en 1935, quand la mosquée devint un musée, les panneaux reprennent place en 1951.

Panneaux en calligraphie arabe dans Sainte-Sophie. Symbole des arts de l'Islam.
Panneaux en calligraphie arabe, positionnés dans Sainte-Sophie. Cliché par Merve Gül. Crédits.

Pour aller plus loin : chers élèves

Un petit reportage par Radio France à visionner quand on a quelques minutes :

Pour aller plus loin : chers collègues

Quelques ouvrages :

  • Sainte-Sophie, par Altay Selâhaddin, publié en 1977 aux éditions Inkilâp ve Aka
  • Architecture byzantine, par Cyril Mango (grand spécialiste de l’art byzantin), publié en 1993 aux éditions Gallimard
  • Byzance medievale – 700-1204, par Anthony Cutler, traduit de l’anglais par Arietta Papaconstantinou, publié en 1996 aux éditions Gallimard
  • Justinien, le rêve d’un empire chrétien universel, par Pierre Maraval, publié en 2016 aux éditions Tallandier

Article rédigé par Cédric Labrousse. Tous droits réservés. Si usage : citer l’auteur et la source | joindre lien vers cet article.

2 réflexions sur “La basilique Sainte-Sophie, puissance et merveille des arts

  • Sophie Peschler

    Merci pour cet article, instructif et plaisant. Vous donnez envie de poursuivre et d’aller plus loin.

    Répondre
    • Merci énormément ! Ce genre de retour est tellement motivant. Une petite fiche « Histoire des arts » sur Sainte-Sophie sera bientôt mise en ligne. Utile pour les élèves comme pour toute personne intéressée !

      Répondre

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