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Critique du Professeur : Amistad (film)

Rédiger la critique du film Amistad n’est pas une chose simple. Sorti dans les salles obscures en 1997, ce film, basé sur une histoire vraie, est particulièrement bouleversant. Projet mené par Steven Spielberg, il recevra de nombreuses critiques positives mais aussi des remarques quant à la manière dont le film montre les évènements.

Bannière du film Amistad - Critique
Une critique du film Amistad – par Cédric LABROUSSE | Bannière officielle du film diffusée par les studios DreamWorks SKG et HBO Films.

La véritable histoire de l’Amistad

Tout d’abord, le film Amistad repose sur les évènements ayant entouré un navire : l’Amistad (dont on devrait normalement dire « La Amistad » pour nommer le bateau) et le procès des esclaves qui se révoltèrent à bord. Le 2 juillet 1839, à bord d’un petit navire de commerce nommé Amistad, 53 esclaves du peuple Mendé, venus d’Afrique, se révoltent contre l’équipage et les marchands d’esclaves. Ils prennent le contrôle du bateau et exigent d’être ramenés en Afrique. Les révoltés (on parle aussi de mutins : personnes présentes sur un navire et se révoltant dans une mutinerie) sont menés par Sengbe Pieh, connu par la suite sous le nom de Joseph Cinqué. Malgré leurs demandes, ils sont trompés par les marchands qui font route vers… New York. Arrivés sur place, les esclaves sont arrêtés.

Amistad - Une affaire qui a soulevé la critique de la traite négrière
Illustration d’un journal américain relatant la mort du capitaine Ferrer, lors de la mutinerie survenue à bord de l’Amistad, en juillet 1839 (Library of Congress). ©Getty – Universal History Archive.

Le procès

Dès lors, un procès doit avoir lieu. En somme, il faut savoir si les hommes à bord étaient bien des esclaves transportés illégalement. Si c’est le cas, ils ont eu le droit de se révolter. Sinon, ils risquaient la peine de mort.

Le procès fut très suivi dans la presse aux Etats-Unis. La question de l’esclavage était déjà très discutée avec un courant qui voulait la fin (abolition) de l’esclavage. La décision finale est prise en 1841 par la plus haute cour de justice des Etats-Unis : la Cour suprême. Les esclaves sont reconnus comme ayant été transportés illégalement. En conséquence, ils étaient en droit de se révolter.

En 1842, 35 anciens esclaves purent enfin rentrer en Afrique. Dont Sengbe Pieh, leur meneur. Il est mort de vieillesse en 1879.

Un film de Spielberg mais sous le regard des historiens

Le projet de film sur la traite négrière n’arrive pas par hasard dans la longue carrière de Steven Spielberg. La cause des noirs aux Etats-Unis est un de ses sujets déterminants. Ainsi, en 1985, il réalisait déjà La Couleur pourpre, avec notamment Whoopi Goldberg. Elle a reçu, pour ce rôle, un Golden Globe, et fut nommée aux Oscars en 1986. Le film abordait la question noire au début du XXème siècle sur fond de violences faites aux femmes et jeunes filles. Ainsi, Amistad s’inscrit dans cette lignée de films engagés. Dont Spielberg complètera la série avec un film (Lincoln) sur Abraham Lincoln et son combat pour l’abolition de l’esclavage.

Quand il décide de réaliser Amistad, il fait appel à David Franzoni qui met en écriture le scénario. Afin de s’inscrire dans une démarche historique, Steven Spielberg fait appel à des historiens. Cela amène le grand historien Clifton H. Johnson, spécialiste renommé de l’affaire de l’Amistad, à rejoindre les consultants sur le projet. Écartant une critique possible sur l’historicité du film Amistad.

Et de souligner que le film ose évoquer les évènements dans leurs langues : la première partie du film donne une large place à l’espagnol (langue des marchands) et au mandé (langue des esclaves).

Un bel hommage avec quelques erreurs : ma critique du film Amistad

Dans un premier temps, évoquons les réussites du film. L’histoire est assez fidèlement traitée. Sans compter un casting d’une incroyable qualité. Djimon Hounsou, révélé dans ce film, incarne un homme en quête d’une liberté qu’on lui refuse. Il faut dire aussi que les défenseurs des esclaves sont campés par d’excellents acteurs : Matthew McConaughey imprègne fidèlement Roger Sherman Baldwin. Sans oublier deux monstres sacrés du cinéma américain : Anthony Hopkins et Morgan Freeman. Enfin, autre point fort du film : l’incroyable musique de la bande originale menée par John Williams.

LE MOMENT FORT DU FILM : le récit, par Joseph Cinqué, de sa capture, de son transport dans l’Atlantique et sa vente à Cuba.

Dans un second temps, osons évoquer les défauts. Ainsi, certains personnages ont été inventés comme celui joué par Mogran Freeman. Or, il y avait de quoi faire appel à d’autres personnalités de l’époque. Quoique plutôt fidèle à l’histoire, le scénario commet quelques bourdes. Premièrement, nous ne savons pas où se déroule l’histoire avant un long moment. Ensuite, le film veut trop lier l’affaire de l’Amistad à la terrible Guerre de Sécession qui divisera les Etats-Unis sur le sujet de l’esclavage. Mais problème : cette guerre n’aura pas lieu après, sinon… 20 ans plus tard !

En somme, au delà de ses quelques coquilles, un grand film qui est pourtant devenu un petit nom dans la longue carrière de Spielberg.

Bande-annonce du film Amistad – Uniquement en anglais malheureusement.

Quel usage en classe ?

En premier lieu, le film peut s’avérer un outil complémentaire sur l’étude de plusieurs points du programme, en Histoire comme en EMC, au collège :

  • En 4ème, en Histoire, quand on étudie la traite négrière dans le premier thème : évoquer le film pour le processus de la traite négrière (témoignage de Joseph Cinquié)
  • En 4ème, en EMC, quand on aborde les libertés et les droits de la personne : on relèvera alors l’enjeu du procès des esclaves révoltés de l’Amistad

De plus, au lycée, le film peut être évoqué en classe de seconde et en classe de première :

  • En seconde générale : dans le quatrième thème, consacré aux dynamiques politiques et sociétales au XVIIIème siècle (on évoquera la traite négrière).
  • En première générale : dans le second thème, consacré aux évolutions politiques en Europe entre 1848 et 1871, afin de voir un exemple d’une remise en question de la traite négrière et, par extension, de l’esclavage (on pourra évoquer la couverture médiatique, à l’époque, du procès de l’Amistad).
  • En première technologique : dans le second thème abordant là aussi les évolutions politiques en Europe entre 1848 et 1870.

Pour aller plus loin : chers élèves

Le sujet de ce film est particulièrement sensible. Et je peux comprendre que vous cherchiez à en savoir plus. Et, si possible, dans des petits livres accessibles à vous. Je vous en ai sélectionné un, que vous essaierez de trouver dans votre CDI ou une médiathèque à proximité.

  • Amistad, roman écrit pour la jeunesse par Joyce Annette Barnes (traduit en français par Carole d’Yvoire), d’après le scénario du film par David Franzoni, publié en 1998 aux éditions Pocket
Amistad, d'après le scénario du film.
Le scénario du film en roman de jeunesse, accessible dès le collège.

Pour aller plus loin que cette critique du film Amistad : chers collègues

Si vous voulez développer une activité en lien avec ce film ou en l’évoquant, vous pourrez vous aider de plusieurs ouvrages afin de creuser la fameuse « affaire de l’Amistad » :

  • Les révoltés de l’Amistad, une odyssée atlantique (1839-1842), par Marcus Rediker, publié en 2015, aux éditions du Seuil
  • Amistad, les mutins de la liberté, par Bernard Vincent, publié en 1998, aux éditions de l’Archipel

A écouter :

Outre ces références, je vous encourage aussi à écouter cet excellent podcast sur l’affaire de l’Amistad, sur le site de RadioFrance : ici. Entretiens réalisés dans La Fabrique de l’Histoire le 2 novembre 2015, avec la participation des historiens Marcus Rediker (Professeur à l’université de Pittsburg) et Henry Laurens (Professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d’Histoire contemporaine du monde arabe).

Article créé par Cédric Labrousse – Tous droits réservés – Citer l’auteur et la source pour tout usage.

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