La création de séquences et séancesLa salle des professeurs

La revue Cabotage : nouvelle vision de la création d’un cours en Histoire, Géographie et EMC

Depuis 2009, une équipe d’enseignants en Histoire-Géographie et EMC de l’Académie de Rennes a débuté un incroyable travail de coopération au sein de la revue Cabotage. Dans les derniers numéros de celle-ci (n°5 et n°6, publiés respectivement en 2018 et 2022), ces collègues ont établi peu à peu une méthodologie nouvelle quant à la construction des cours. Tout cela s’articule autour d’un concept simple : le « cours-noyau ». Auquel viennent s’additionner l’apprentissage des notions, leur approfondissement et les méthodes de travail par les élèves.

Je fais ici une modeste couverture de ce travail réalisé par une collaboration conjointe entre les enseignants (dont je ne fais pas partie), des formateurs et l’inspection de l’Académie de Rennes. Enfin, j’expliquerai en quoi cette innovation me semble pertinente. Au point de désormais structurer mes séquences sur ce modèle.

Une recension des revues Cabotage de l'académie de Rennes en Histoire et Géographie.
Un travail réflexif d’un enseignant sur la revue Cabotage et ses derniers numéros en Histoire, Géographie et EMC | par Cédric LABROUSSE | Crédits : couvertures de numéros de la revue Cabotage – inspection académique et pédagogique de l’académie de Rennes.

La revue Cabotage : une initiative en Histoire, Géographie et EMC dans l’ouest breton

Tout commence en 2009, avec le soutien du recteur de l’académie de l’époque, Alain Miossec. Un géographe de formation. Au point d’en devenir le directeur de la publication. L’idée est simple : étudier les programmes, saisir leurs sens, proposer des regards, installer une réflexion sur l’usage des documents. Ainsi que présenter des outils jugés utiles pour les collègues enseignants. Ce phénomène est global : quelques temps plus tard, des enseignants et IA|IPR l’Académie de Toulouse lançaient à leur tour la revue Pastel. Ou encore la revue Rhénanes dans l’Académie de Strasbourg.

Le comité de rédaction est alors très diversifié quant à sa composition. Ce qu’il restera par la suite, même si des noms ont changé jusqu’à nos jours. Des IA|IPR de l’académie de Rennes à l’instar de Dominique Beaupuy et Frédérique Doublet. Mais aussi des enseignants en postes, comme Yann Lamezec et Hélène Lecouvey-Guérin. (Dont je fus personnellement élève au collège puis à l’université !).

« Elle s’organise autour d’un dossier consacré chaque fois à un thème original et de rubriques permanentes. Rédigée par un comité éditorial composé de professeurs d’histoire-géographie de l’académie et des IA-IPR de la discipline, elle a vocation à proposer des mises au point scientifiques, des exemples de séquences pédagogiques et des outils pour enseigner. […] Dans les rubriques permanentes vous retrouverez régulièrement les temps forts suivants : Enseignons autrement ; Jouons en classe ; Sites et mags ; TIC’en classe ; ENT- vous. »

Café Pédagogique sur la Revue Cabotage, 2009

Une revue qui a peu à peu gagné en influence

Avec les années et les numéros successifs, la revue a couvert les évolutions programmatiques successives, au collège comme au lycée. Le numéro 2 de la revue se posa rapidement comme un tournant, à mes yeux, de ce qu’elle allait devenir. Non uniquement une revue couvrant des sujets et méthodes. Mais aussi une revue tentant de questionner les démarches :

De même, il est parfois encore difficile de mettre pleinement l’élève en situation de construire par lui-même les capacités qui sont attendues à travers une mise en activité réellement autonome. La mise en contexte lors de l’étude de cas en géographie n’est pas sans poser de questions (quelles attentes ? Jusqu’où aller dans la contextualisation ?). L’articulation entre connaissances, capacités et démarches demeure encore parfois à préciser.

Les IA-IPR d’histoire-géographie dans leur introduction au numéro 2 (2010) de la revue Cabotage

La ligne était donnée pour la suite.

Pour accéder aux numéros de la revue Cabotage, cliquez sur l’image suivante :

Les numéros de la revue Cabotage de l'Académie de Rennes depuis 2009
Les numéros de la revue Cabotage de l’Académie de Rennes depuis 2009 | Capture d’écran du Pearltrees de l’équipe Cabotage

D’une revue globale à une revue technique et pédagogique

C’est une observation personnelle, mais le retour de la revue (n° 5) en 2018 après une longue période d’inexistence (2013 pour le n° 4) confirme le tournant choisi en 2010. La revue prend le cap principal d’une réflexion pédagogique et didactique. Elle concentre le feu non sur l’analyse des programmes et des réflexions sur les thèmes dans le champ scientifique. Mais sur les mises en application des thèmes et les problématiques associées (évaluation apprentissages, différenciation). Preuve en est par le sommaire qui place finalement le savoir scientifique et disciplinaire (nazisme, shoah) en dernière position. Derrière les questionnements didactiques puis sur des propositions de séquences.

Le n° 6 de la revue, là aussi arrivé en décalage (en 2022), confirme cette prise de position éditoriale. Avec même un renforcement des sujets didactiques et pédagogiques. Et quasiment l’absence de sujets liés à la discipline et à ses évolutions scientifiques récentes.

En cliquant sur l’image ci-dessous, vous accéderez au dernier numéro de la revue Cabotage au format PDF :

Revue Cabotage - Numéro 6 - Novembre 2022 - Académie de Rennes
Revue Cabotage – Numéro 6 – Novembre 2022 – Académie de Rennes | Crédits : équipe de la revue Cabotage et Inspection académique en Histoire-Géographie-EMC.

Le « cours-noyau » | le « programme-noyau » : une nouvelle vision de l’organisation d’une séquence

Depuis le numéro 5 de la revue Cabotage, une nouvelle méthodologie pour créer des cours en Histoire, Géographie et EMC

Le tournant entamé en 2010 vers une production d’une revue didactique et pédagogique, plutôt que diversifiée dans sa couverture de nos disciplines et apprentissages, trouve son accomplissement en 2018 avec le N°5. A cette occasion, un groupe d’étude, constitué entre 2016 et 2017, toujours à l’initiative de l’IA-IPR Dominique Beaupuy, cette fois-ci accompagné de Patrick Marques, veut questionner le rapport du Cnesco (2017) : Différenciation pédagogique : comment adapter l’enseignement à la réussite de tous les élèves ? (Lire ici).

De cette réflexion est né un concept nouveau : le « programme-noyau » ou « cours-noyau ». Le programme-noyau évoluant selon les niveaux, associé à ce qui fait le cœur de la séquence nouvelle avec ses repères spécifiques. L’idée est simple mais innovante : la séquence préparée par l’enseignant doit avoir trois phases dont le fil se structure ainsi :

  • Phase de réactivation des acquis
  • Phase de découverte du programme-noyau et son approfondissement
  • Phase de consolidation et d’approfondissement
Exemple d'une progression de séquence en prenant en compte le cours-noyau.
Exemple d’une progression de séquence en prenant en compte le cours-noyau | Infographie réalisée par Guillaume Sarcel.

Dans cette rénovation de la construction du cours, on établit en moyenne trois évaluations. L’une est une évaluation de diagnostique. Cela peut passer par une auto-évaluation des élèves sur leur niveau de connaissances. Ou, inversement, faire un point sur ce qu’ils savent par questionnement de l’enseignant. L’évaluation formative prend place dans la maîtrise des essentiels. On avance ensuite dans la consolidation. Elle permet de renforcer les acquis des élèves en difficulté (évaluations spécifiques proches de la première) tandis que d’autres peuvent aller plus loin. Une évaluation sommative arrive enfin pour voir l’état d’apprentissage de chacun. Le tout amenant à une différenciation réelle et à une validation progressive, mais rigoureuse, des compétences, selon les profils d’élèves.

Programme - cours - noyau - Revue Cabotage - Pédagogie.
Programme-noyau, aussi formulé, à l’échelle d’une séquence, comme cours-noyau : ici en modèle de différenciation | Infographie par Patrick Marques (2018 – Cabotage n° 5).

Concrètement, les élèves font un bilan sur les acquis des années ou cycles précédents. Puis entrent dans le programme-noyau, via un document A3 complet sur les notions, connaissances et repères déterminants et essentiels.

Le plan de travail et le tutorat

Ce sont deux points qui m’ont interpellé et qui ont modifié certaines des mises en place de séquences et séances que je proposais auparavant. Cependant, je pratiquais déjà le tutorat dans la classe. Mais de manière informelle. La proposition cadrée (p. 79 du n° 6) m’apparaît pertinente et j’ai désormais mis en place le principe proposé. Adrien Gougeon fournit là une proposition claire, ainsi que des codes (marqueurs de couleurs imprimés). Sur le tutorat : aller plus loin avec les travaux d’Alain Baudrit (ici, une recension détaillée de son travail).

Le second point, c’est l’idée du plan de travail (pages 25 à 26 du n° 5). Nous le faisons tous quand nous en avons la possibilité. Mais ici, il y a une potentialité à en faire la structure globale de nombreux cours. C’est évidemment intéressant. Cela permet de briser la monotonie et les permanences des élèves aux mêmes places. On peut alors évoquer une différenciation par la répartition des ateliers en activités. Mais aussi créer des groupes de tuteurs intervenants. On peut imaginer une structure de cours multiples : les élèves feront toutes les activités, mais à leur rythme. Tout le monde aura les corrigés, avec les interventions d’élèves qui ont fini et peuvent aider leurs camarades.

La place du document

Cette partie du n° 6 m’a conforté dans mon approche personnelle du document qui ne doit pas être un faire-valoir de lecture ou de connaissances temporaires. Le document doit être choisi car il s’inscrit dans les apprentissages et notions sur toute une séquence. Appliquant déjà cette politique dans mes fiches documentaires qui, au mieux possible, doivent servir d’outils de remobilisation des notions et repères. J’ai donc trouvé là le support de mon positionnement sur le sujet. De fait, le document est bien trop régulièrement illustratif de cours. Autant en étudier moins, mais creuser, dans la profondeur, ce qu’ils peuvent apporter.

BIBLIOGRAPHIE | Sur l’esprit critique et le rapport au document, je vous recommande cette lecture complémentaire et plus approfondie : Esprit critique : Outils et méthodes pour le second degré, par Attali, G., Bidar, A., Caroti, D. & Coutouly, R., publié en 2019 aux éditions Canopé.

Esprit critique - Outils et méthodes pour le second degré - Canopé
Esprit critique – Outils et méthodes pour le second degré, publié en 2019 aux éditions Canopé.

Deux exemples de séquences (parmi d’autres) qui ont soulevé mon intérêt au sein du n°6 de la revue Cabotage, en Histoire et en Géographie

  • « IL FAUT SE MÉFIER DES CARTES » (pages 49 à 51), une séquence par Annaïck Le Livec, en 4ème. Au delà de mon intérêt pour la question, étant en travail de recherche sur la Syrie par delà mes enseignements. C’est une séance que j’ai trouvé particulièrement intéressante. Elle aborde le sujet, avec une multiplicité de possibilités pédagogiques, tout en mettant le document dans le questionnement. Elle sera source d’inspiration.
Il faut se méfier des cartes - Séquence en 4ème sur les mobilités.
Il faut se méfier des cartes – Séquence en 4ème sur les mobilités – par Annaïck Le Livec. P. 49 du n° 6.
  • LA Ve RÉPUBLIQUE, HÉRITIÈRE DE LA RÉVOLUTION (pages 91 à 96), une séquence par Stéphane Moisan et Guillaume Sarcel, en 4ème. Ici, c’est vraiment l’exemple qui m’a le plus stimulé quant au principe du cours-noyau. Avec une mise en place réussie entre remobilisation des acquis, structuration d’un cour et acquisition de nouvelles connaissances. Elle sera tout autant source d’inspiration.
La Cinquième république, héritière de la révolution - Séquence en 4ème.
La Cinquième république, héritière de la révolution – Séquence en 4ème | par Stéphane Moisan et Guillaume Sarcel. P. 81 du n° 6.

Ma réflexion sur le numéro 6 de la revue Cabotage : du positif et une évolution de ma pratique

Après la lecture détaillée de ce n° 6, je peux déjà penser que ma propre approche de la construction de cours évolue et doit évoluer. Le principe du cours-noyau, comme je l’ai dit plus haut, reste une formulation d’une situation déjà largement intégrée mais qui prend alors un sens évident. Se dessine ici une méthodologie claire pour réinvestir ce concept dans la préparation de nos séquences.

L’articulation des progressions dans l’apprentissage des notions, l’intégration des méthodologies spécifiques à nos disciplines, se trouvent solidement orientées autour d’un corpus de repères et d’essentiels qui font la structure du thème abordé. La réflexion menée par les collègues, formateurs et inspections a construit une méthode qui va désormais se diffuser progressivement. Les remarques très positives émises dans d’autres académies le démontrent.

Quelques remarques personnelles cependant avec un regard critique…

En conclusion de ce long retour sur la revue Cabotage en Histoire et Géographie et, au delà de tout ce que j’ai trouvé d’incroyablement intéressant, j’émettrai trois petites réserves, mais sans m’en faire des obstacles car l’ensemble est vraiment passionnant, sur trois éléments déjà évoqués :

Sur le fond

  • le plan de travail est très aisé à imaginer, dans les possibles à préparer. Cependant, selon vos classes, la disposition de celles-ci quant à leurs caractères spaciaux, et surtout le nombre d’élèves : la situation peut vite tourner au carambolage. Si j’ai le potentiel de le faire cette année, je sais que je n’aurais pu le faire l’an dernier : classe trop petite. Ni même en salle informatique l’an dernier, dans laquelle je fus inspecté, totalement impossible à réviser dans son organisation. Cela suppose aussi un enseignant avec sa propre salle destinée à son usage. A défaut, imaginons l’entrée dans une salle « autobus » : la réorganisation des tables prend déjà 2 à 5 minutes au début, 5 minutes à la fin pour la rendre comme avant au collègue. Attention donc à prendre en compte la diversité des situations professionnelles des collègues, dans une différenciation des situations, notamment des TZR et contractuels sur plusieurs établissements et sans classe dédiée dans ceux-ci.

  • le placemat, que je ne connaissais pas, me semble une excellente idée. Elle est évidente dans l’application mais n’était pas formulée comme telle. Je trouve dommage que l’étude qui lui est consacrée soit aussi restreinte dans le corpus du n° 5. Et si elle se retrouve dans le n° 6, c’est encore pour finir dans un encart minorisé quant au reste du contenu. La notion de répartition d’une classe dans un espace est une chose. Celle du placement des élèves aux tables et compositions établies l’est tout autant. Je trouve donc l’idée très bonne mais non mise en valeur. C’est un peu dommage.

Sur la forme

  • Sur la forme, mais c’est un détail : la revue, qui était agréable et lisible dans ses premières versions (entre 2009 et 2013), est devenue un condensé qui se veut bien trop exhaustif entre 2018 et 2022. Certes le document PDF est « zoomable » mais cela devient illisible et chargé. Quand bien même il nous est demandé de prendre, le plus possible, en compte la différence de nos élèves. Il ne faut pas oublier la même différenciation vis à vis des collègues. Qui pourraient notamment avoir des problèmes de vue ou peut être pas un écran plutôt grand de bureau. Selon mon appréhension professionnelle, ce n’est plus agréable dans sa lecture. Peut-être faudra-t-il revenir à la formule d’origine de la revue. Quitte à gonfler le nombre de pages mais les rendre agréables à la lecture.

DETAIL : le dernier numéro est ponctué de belles photographies. Toutes indiquées « Pixabay » comme crédits. Tous les clichés Pixabay libres de droits sont fournis par des contributeurs. Me faisant une règle de parler des sources aux élèves, je trouve triste de ne voir aucune source détaillée des clichés diffusés dans ce dossier…

Par Cédric LABROUSSE

Le 13 janvier 2022

Tout usage doit s’accompagner de la mention de l’auteur et du lien vers cet article.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *