Brasidas, héros de la guerre du Péloponnèse
Brasidas est un général natif de Sparte, cité pour laquelle il s’est battu en héros durant la guerre du Péloponnèse contre la cité rivale, Athènes. Commandant et stratège de renom, il a remporté de brillantes victoires dont celle qui verra sa propre mort en 422 av. J-C. Il est célèbre pour ses victoires à Pylos ou encore à Amphipolis.
Génie militaire et commandant courageux, il est entré dans l’histoire grâce à un de ses adversaires : Thucydide.
Brasidas avant la guerre du Péloponnèse
Tout d’abord, on ne sait pas grand chose de Brasidas avant l’embrasement de la guerre entre Athènes et Sparte. Probablement issu de l’aristocratie spartiate, il est le fils de Tellis. En conséquence, mis à part ces éléments, rappelés par l’auteur Thucydide, nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses.
ANECDOTE : Thucydide a beaucoup écrit sur les actions de Brasidas durant la guerre du Péloponnèse. Or, ils sont liés : ils se sont même affrontés militairement en 424 av.J-C dans la région d'Amphipolis au nord de la Grèce ! Thucydide était alors commandant chez les athéniens. Avant de devenir le grand historien que l'on connaît de nos jours, suite à une défaite face à... Brasidas.
On peut estimer qu’il fit ses classes d’armes dès le plus jeune âge, dans le plus pur style spartiate. Il a probablement gravi les échelons en usant de ses talents mais aussi de sa famille, issue de l’aristocratie. Peu avant la guerre du Péloponnèse, on le reconnaît pour ses qualités : Sparte l’envoie en effet comme conseiller au début de la guerre…
Un grand stratège de la guerre du Péloponnèse : Brasidas
Pour commencer, Brasidas fait une première apparition dans l’Histoire en 431 av.J-C. En effet, Thucydide signale son habilité militaire à Méthone, contre les athéniens. Selon l’historien grec ancien Xénophon, il est même nommé éphore de la cité de Sparte en récompense.
Éphores : au nombre de cinq, élus pour un an, ils forment l’autorité la plus importante dans la cité de Sparte, y compris au dessus des rois.
Sparte l’envoie par la suite comme conseiller auprès d’un amiral spartiate, Cnémos, qui venait de subir une série de défaites contre Athènes depuis 429 av.J-C. A la tête d’une partie de la flotte, Brasidas s’illustre une nouvelle fois.
Dans celle qui survint ensuite, après l’expédition de Sicile, la vertu, la prudence de Brasidas, ces qualités dont les uns avaient été témoins, et que les autres connaissaient de réputation, contribuèrent surtout à inspirer aux alliés d’Athènes de l’inclination pour les Lacédémoniens. Comme il fut le premier qui, dans ces derniers temps, sortit de sa patrie, et qu’il semblait réunir en sa personne toutes les perfections, on crut fermement que tous ses concitoyens devaient lui ressembler.
La Guerre du Péloponnèse, Thucydide, Livre IV, LXXXI
C’est notamment durant la terrible bataille de Pylos qu’il fait parler de lui. Là, en 425 av.J-C, il fit acte de bravoure. Alors que les bateaux de Sparte assiégeaient les athéniens, à terre, Brasidas fit échouer son navire pour débarquer. Son idée : porter le combat à terre. La bataille tourna à l’avantage d’Athènes, tandis que Brasidas était blessé. Son bouclier est retrouvé par ses adversaires. Mais son courage marqua son époque.
C’est dans le nord de la Grèce, après une autre victoire à Mégare (424 av.J-C), qu’allait naître la célébrité du commandant Brasidas. En effet, Athènes disposait de riches possessions dans le nord de la Grèce. Pour Brasidas, il fallait couper les athéniens de leurs ressources. Par la suite, ils cesseraient alors leurs attaques sur le Péloponnèse et le domaine de Sparte.
La guerre dans le nord de la Grèce
En 424 av.J-C, Brasidas prit la route du nord, à la tête d’une armée modeste en effectifs. Pour ce faire, il traversa la Thessalie avant d’atteindre le royaume de Macédoine. Là bas, le roi Perdiccas II entretenait une position ambiguë dans la guerre entre Athènes et Sparte. Après une intervention dans les affaires de la Macédoine, qui s’engagea à soutenir Sparte, Brasidas s’attacha à conquérir des positions athéniennes.
Son principal objectif était la colonie athénienne d’Amphipolis. Il marcha sur la cité stratégique pour Athènes : à la fois garnison militaire et carrefour commercial. Pour contrer son avancée, Athènes envoya un de ses commandants, Thucydide. Le même qui, plus tard, écrira l’histoire de la Guerre du Péloponnèse. Durant l’hiver 424-423 av. J-C, Brasidas assiégea Amphipolis. Finalement, avec d’autres villes et comptoirs de la région, elle tomba sans combattre, suite à la diplomatie de Brasidas. Ce dernier développa un discours de liberté : les spartiates venaient rendre leur liberté aux populations locales contre l’oppression athénienne. Peu à peu, les habitants du nord de la Grèce considérèrent Brasidas comme un libérateur et un héros de cette guerre du Péloponnèse. Ambitieux, Brasidas voulut aller plus loin en capturant Eion, un petit port voisin d’Amphipolis. Toutefois, Thucydide réussit à résister. Mais l’échec de l’athénien à défendre Amphipolis le fit tomber en disgrâce.
Or Brasidas, en toute circonstance, avait fait preuve de modération, il déclarait partout que sa venue avait pour but d’assurer l’indépendance de la Grèce. Aussi les villes sujettes d’Athènes, informées de la prise d’Amphipolis, des dispositions de Brasidas et particulièrement de sa modération, se trouvèrent-elles toutes prêtes à se révolter . En secret on lui envoyait des messages, on sollicitait sa venue ; chacun voulait être le premier à faire défection .
Thucydide, La Guerre du Péloponnèse, Livre IV, CVIII
Par la suite, Brasidas voulait poursuivre la guerre. Mais les autorités à Sparte lui refusèrent ce souhait : Sparte avait négocié une trêve d’un an avec Athènes. Refusant le parti de la trêve, Brasidas rompit avec les ordres et apporta son soutien aux cités rebelles de Scione et Mendè contre Athènes. La trêve réussit pourtant à tenir. Jusqu’à ce que l’année fut achevée. Entre temps, Brasidas fut trahi par le roi de Macédoine. Laissant le commandant spartiate en mauvaise situation dans le nord.
Brasidas et Cléon : rivaux et guerriers
L’un est commandant de Sparte ; l’autre est commandant d’Athènes. Mais les deux partagent un même objectif : poursuivre la guerre alors que la trêve se termine. Cléon est élu stratège à Athènes en 422 av. J-C. Il veut mener des opérations militaires contre les spartiates, dans le nord de la Grèce, pour reprendre ce qui fut perdu. Par ailleurs, son chemin a déjà croisé celui de Brasidas, près de Pylos, en 425 av.J-C..
Finalement, les deux adversaires se retrouvent près d’Amphipolis. Là encore, ils sont plus proches dans leurs situations qu’ils ne le pensent : Cléon est à la tête d’une cité affaiblie et arrive avec une petite armée. Brasidas n’est pas non plus dans une situation avantageuse : il a perdu le soutien de plusieurs cités grecques du Nord. De fait, les deux se présentent dans un moment de faiblesse. Tout d’abord, un premier affrontement a lieu à Toroné. Cléon en sort vainqueur, prenant Brasidas de vitesse.
La bataille d’Amphipolis : la gloire et la mort de Brasidas
Par la suite, les efforts des deux commandants vont se concentrer sur Amphipolis. C’est la cité stratégique dans la région. Et c’est une ancienne cité rebelle contre Athènes : Cléon veut la reprendre. Entre temps, Brasidas s’est préparé : il a reçu le soutien de tribus thraces et se positionne sur une colline à l’extérieur de la cité. Finalement, Brasidas entre dans Amphipolis et se prépare. Cléon approche de la cité, ne pouvant savoir le nombre des combattants de Brasidas.
Par la suite, sachant son armée bien plus faible, Brasidas se positionne à une porte de la ville avec ses hoplites et envoie le gros de ses forces à une autre porte. Les troupes de Cléon ne veulent finalement pas d’engagement et entament un repli vers la côte. C’est alors que Brasidas, avec seulement cent cinquante hoplites, charge. Les athéniens sont totalement désorganisés. Par la suite, l’armée de Brasidas, qui attendait derrière une autre porte de la ville, vient lui porter soutient.
Malheureusement, dans la mêlée sanglante, Brasidas est mortellement blessé. Puis Cléon trouve la mort. Les spartiates évacuent Brasidas vers Amphipolis, où il mourra. Il est encore vivant quand il apprend sa victoire mais finit par succomber. Plus tard, le commandant devient, à titre posthume, nouveau fondateur de la ville, où il fut inhumé avec les honneurs. Ainsi Brasidas entrait, pour les amphipolitains, dans la légende des héros de la Guerre du Péloponnèse.
Brasidas : héros de la guerre et… de l’archéologie
C’est un élément essentiel à la célébrité de Brasidas : le nombre d’objets que l’archéologie pourrait lui attribuer. C’est un fait, bien des personnalités nous sont connues par les textes anciens. Cependant, nombre d’entre elles ne nous ont guère légué d’objets identifiés. Parfois, l’archéologie fait d’incroyables découvertes : le casque de Miltiade, général athénien à Marathon, retrouvé à Olympie. Ou encore des outils ayant appartenu à Phidias, célèbre sculpteur, là aussi retrouvés à Olympie. Mais elles restent rares. C’est pourtant le cas avec Brasidas.
Le “bouclier de Brasidas” ?
Couvert de blessures, il perdit connaissance et tomba à l’avant du vaisseau ; son bouclier coula dans la mer et fut porté à terre où les Athéniens le prirent ; ils en décorèrent dans la suite le trophée qu’ils élevèrent en l’honneur de cette journée.
La Guerre du Péloponnèse, Thucydide, Live IV, XII
Ce témoignage de Thucydide évoque la bataille de Pylos. Brasidas s’y blesse. Son bouclier serait alors tombé à l’eau, avec d’autres. Par la suite, ces boucliers lacédémoniens furent ramenés à Athènes.
Au XXème siècle, les archéologues retrouvèrent des boucliers dans les ruines de la cité. L’un de ces boucliers, découvert en 1936 dans une mission archéologique américaine, est marqué d’une inscription :
ΑΘΗΝΑΙΟΙ ΑΠΟ ΛΑΚΕΔΑΙΜΟΝΙΩΝ ΣΚΠΥΛΟ
Des lacédémoniens aux Athéniens à Pylos
En fin de compte, il s’agit du seul bouclier ainsi marqué et spécifié. Il était probablement, comme dans le texte de Thucydide, présenté à Athènes. Ainsi, il s’agirait, pour certains, du bouclier de Brasidas.
Cependant, ces boucliers proviendraient du butin après la bataille de Sphactérie. Et non à Pylos, comme indiqué sur celui-ci. Par ailleurs, bataille de Sphactérie où la présence de Brasidas n’est pas attestée… Les boucliers furent dédiés par le démagogue athénien Cléon, vainqueur contre les spartiates à Sphactérie, qui fut un adversaire acharné de Brasidas. Des siècles plus tard, l’auteur Pausanias admira ces boucliers toujours présentés dans la Stoa Poikile de l’agora (grande place publique) d’Athènes.
La tombe de Brasidas à Amphipolis : l’hommage au héros de la guerre
Les Scioniens sentirent leur courage s’accroître à ce discours, […]. Non contents de faire le plus honorable accueil à Brasidas, ils lui décernèrent, aux frais du public, une couronne d’or, comme au libérateur de la Grèce.
La Guerre du Péloponnèse, Thucydide, Livre IV, CXXI
Les guerriers qui avaient enlevé Brasidas et l’avaient tiré de la mêlée le portèrent à la ville, respirant encore. Il apprit que les siens étaient vainqueurs, et bientôt il rendit le dernier soupir. Le reste de l’armée revint de la poursuite avec Cléaridas, dépouilla les morts et dressa un trophée.
XI. Tous les alliés en armes suivirent la pompe funèbre de Brasidas ; ses funérailles furent célébrées aux frais du public. Il fut inhumé dans la ville, en face de la place où est à présent le marché.
La Guerre du Péloponnèse, Thucydide, Livre V, X et XI
En premier lieu, tout débute en 1976, quand un projet de création d’un musée débute sur le site historique de la cité d’Amphipolis. L’archéologue Dimitris Lazaridis mène le projet. Car le site du musée s’engage sur le site archéologique d’Amphipolis. Durant le chantier, près de là où se situait la place du marché, des fouilles dégagent une tombe. En conséquence, c’est bien évidemment le témoignage de Thucydide qui résonne dans les esprits des chercheurs.
Et quelle surprise ! En effet : la tombe est inviolée et pleine ! Exactement à l’endroit indiqué par Thucydide. Plus incroyable : l’urne funéraire, avec les cendres. Mais aussi une couronne dorée, comme celle offerte par les Scioniens.
De nos jours, l’urne est présente dans le musée d’Amphipolis.
Brasidas, le héros de la guerre du Péloponnèse dans… les jeux vidéos !
Bien des millénaires plus tard, le héros n’est pas oublié. En 2018, le jeu Assassin’s Creed Odyssey envahit les rayons. Emportant le joueur dans un décor inspiré de la Grèce antique, le jeu permet notamment de rencontrer des personnalités historiques. Ainsi, c’est le cas de Brasidas, le héros spartiate de la guerre du Péloponnèse. Non-jouable, le personnage apparaît à plusieurs reprises selon les scénarios. Dans tous les cas, symboliquement, il meurt près d’Amphipolis…
Pour aller plus loin
Textes anciens
- La Guerre du Péloponnèse, par Thucydide, rédigée à la fin du Vème siècle av. J-C.
- Helléniques, Livre II, par Xénophon, rédigé en 403 et 362 av.J-C.
- Bibliothèque historique, Livres XII et XIII, par Diodore de Sicile, rédigés au Ier siècle av. J-C.
- Oeuvres morales, par Plutarque, rédigées entre 70 et 120 ap. J-C.
Ouvrages et articles récents
- Guerre et violence dans la Grèce antique, par André Bernand aux éditions Hachette Littératures en 1999.
- « Hagnon et Brasidas à Amphipolis : chronique d’une « fin de culte » annoncée ? », par Karin Mackowiak, publié dans la Revue de l’histoire des religions, 2 | 2018, pages 311-328. A consulter entièrement : ici.
- « Brasidas ou le fait d’armes comme source d’héroïsation dans la Grèce classique », par Geneviève Hoffmann, dans l’ouvrage Héros et héroïnes dans les mythes et les cultes grecs. Actes du colloque de Valladolid, 26‑29 mai 1999, publié en 2000 aux Presses universitaires de Liège. Consultable entièrement : ici.
- « Brasidas : la naissance de l’art du commandement », par Jeannine Boëldieu-Trevet, dans l’ouvrage Esclavage, guerre, économie en Grèce ancienne : Hommages à Yvon Garlan, publié dans les Presses universitaires de Rennes en 1997. A consulter entièrement : ici.
Sur l’archéologie et Brasidas
- « Knights 843-59, the Nike Temple Bastion, and Cleon’s Shields from Pylos », par Mike Lippman, David Scahill et Peter Schultz, publié en 2006 dans l’American Journal of Archaeology, Vol. 110, No. 4 (Oct., 2006), pages 551 à 563, aux University of Chicago Press. Consultable entièrement : ici.
- « Physical Anthropological Report on the Cremated Human Remains of an Individual Retrieved from theAmphipolis Agora (The Spartan General Brasidas of the Peloponnesian War?) » par Maria Stamatopoulou et Marina Yeroulanou, dans l’ouvrage dirigé par Ch. Koukouli-Chrysanthaki, Excavating Classical Amphipolis. Excavating Classical Culture : Recent Archaeological Discoveries in Greece (Eds.). Beazley Archive – Studies in Classical Archaeology I, en 2002.
27 novembre 2022
Par Cédric LABROUSSE
Un article inédit par Cédric LABROUSSE – Tous droits réservés quant à sa production, sous licence CC 4.0. Tout usage ou citation devra indiquer l’auteur, le titre d’origine et le lien vers l’article. Sous réserves de poursuites.
BONUS :
Brasidas fut mordu par une souris qu’il avait saisie en mettant la main dans un panier de figues ; il la lâche aussitôt, et dit à ceux qui étaient présents : « Voyez comment le plus petit animal peut sauver sa vie, s’il ose la défendre. »
“Apophtegmes des Lacédémoniens”, Oeuvres morales, Plutarque, entre 70 et 120 ap. J-C.