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Histoire du chat et sa domestication par l’homme au Néolithique

L’histoire du chat et sa domestication par l’homme débutent il y a plus de 9 000 ans. De là, allait naître une amitié qui dure jusqu’à nos jours. La France compte 15 millions de félins qui se dorent la pilule sur nos canapés et tapis. Dans le monde, ce sont près de 400 millions de chats domestiques qui partageraient nos vies. Mais comment tout cela a commencé ? Quelle fut la place du chat dans les premières civilisations humaines ?

Histoire du chat et domestication par l'homme
Histoire du chat et domestication par l’homme depuis le Néolithique | Un article inédit par Cédric LABROUSSE – Crédits : Cliché libre de droits diffusé sur Pixnio.

Dans cet article, je vais tenter de vous faire vivre cette longue aventure humaine et féline. Nous partirons de l’île de Chypre pour nous rendre en Chine, en Égypte et ailleurs. En outre, nous croiserons des chats sauvages tout autant que des chats de cours royales. En espérant vous apprendre plein de choses.

IMPORTANT : Dans cet article, je reprends le mot domestication. Or, dans les premiers millénaires des rapprochements entre l’homme et le chat, il apparaît que c’est davantage un apprivoisement et une cohabitation, où l’homme déplace parfois le chat avec lui (ou le chat s’infiltre à ses côtés). On prendra donc garde, quand j’évoque la domestication, à penser apprivoisement sauf dans des cas particuliers.

Une histoire et une domestication du chat par l’homme qui débute au Proche-Orient

A Chypre, un homme et un chat réunis à jamais

Ce fut une découverte unique mais peut être émouvante. Tout commence entre 1993 et 2001 quand des archéologues fouillent un ancien village datant du Néolithique. Ainsi, ces lieux, datés de 7 600 à 7 000 av. J.C, une tombe bouleverse ce qui était pensé jusque là. Pendant très longtemps, le chat fut considéré comme ayant été domestiqué en Égypte. Pour ensuite se diffuser peu à peu dans le Proche-Orient et au delà.

Cependant, la découverte réalisée sur le site de Shillourokambos, dans le sud de l’île de Chypre, a tout remis en cause. Là, dans une scène inédite et très intime, une tombe révéla un homme, enseveli en position fœtale. Et, à côté de lui, compagnon pour l’éternité, un chat.

Tombe d'un chat et son probable propriétaire, découverte à Chypre en 2001. Néolithique, période de domestication du chat.
Tombe d’un chat et son probable propriétaire, découverte à Chypre en 2001 par l’équipe de Jean-Denis Vigne. Instant émouvant ? Difficile à dire | Source (voir bibliographie plus bas).

En raison des précautions à avoir, s’ils font la découverte en 2001, les archéologues menés par le français Jean Guilaine, associé à Jean-Denis Vigne, ne révèlent publiquement la découverte qu’en 2004. Par ailleurs, on sait que le chat aurait eu 8 mois au moment de la mise en terre. Probablement sacrifié pour accompagner l’homme enseveli. En outre, sa taille est plutôt grande, proche des chats sauvages encore vivants dans le Proche-Orient actuel. Est-ce la première trace d’une domestication et une volonté du défunt, ou de ses proches, d’être suivi par ce chat ? On ne le saura probablement jamais.

Le chat apprivoisé par l’homme bien avant dans l’histoire du Proche-Orient ?

Tout d’abord, le chat n’est pas un animal naturellement installé à Chypre. Ainsi, l’archéologie ne lui révèle aucune existence sur l’île avant les communautés néolithiques. D’autres espèces sont dans ce cas comme les cochons, moutons, bœufs et chiens vivant avec les premiers habitants de Chypre. Le chat était donc, en toute logique, déjà apprivoisé au Proche-Orient. Il a été importé avec les communautés humaines découvrant Chypre.

Cela suppose donc une domestication bien plus ancienne du chat dans l’histoire de l’homme. Il y a 10 000 ans ? Probablement. Et c’est bien dans le croissant fertile, cette grande région s’étendant du Nil, en Égypte jusqu’au Golfe persique, à l’extrémité de la Mésopotamie, que le chat fut domestiqué pour la première fois, dans l’exact périmètre qui vit naître l’agriculture.

Felis silvestris lybica, l’espèce à l’origine de tous les chats domestiques actuels

Ainsi, ce nom latin ne vous dit rien ? C’est normal. De fait, on parle bien souvent de “chats sauvages” pour les espèces de chats vivant encore dans leurs espaces naturels. Si bien que le Felis silvestris lybica est mieux connu comme “Chat sauvage africain” ou “Chat sauvage d’Afrique“.

Le chat sauvage d'Afrique - Felis lybica - dans une série de timbres publiée en Libye. Il est le chat qui céda le plus facilement à l'apprivoisement puis à la domestication.
Le chat sauvage d’Afrique – Felis lybica – dans une série de timbres publiée en Libye en 1997.

De fait, les études se multiplient, aussi bien archéologiques que génétiques, pour retrouver les origines de nos chats domestiques. Et les plus récentes découvertes convergent vers une espèce de chat sauvage dominante : le chat sauvage d’Afrique. Les études génétiques, multipliées depuis 2004, sont formelles. Considéré comme plus apte à être approché et apprivoisé, encore aujourd’hui, le Chat sauvage d’Afrique s’imposa dans la domestication du chat à travers l’histoire, et la géographie. Ainsi, les recherches génétiques confirment une origine commune autour du felis lybica.

Pourquoi ce rapprochement entre l’homme et le chat sauvage d’Afrique ?

Pour répondre à cette question, l’archéologie, les hypothèses d’historiens spécialistes et Néolithique et la paléogénétique, se structurent peu à peu. Eva Maria-Geigl dit ainsi :

C’est au néolithique, alors que les êtres humains se sédentarisent et créent les villages, que le chat se rapproche des humains et y trouve une fonction. Lorsque les premiers agriculteurs ont commencé à récolter les graines et à les stocker, la question des rongeurs est devenue capitale. En Égypte, on a retrouvé un squelette de chat avec six rats dans l’estomac ! Une aubaine pour les chats – et un service rendu aux agriculteurs. D’autant que Felis sylvestris lybica, la sous-espèce sauvage du Proche-Orient, s’attaque aussi aux serpents et aux scorpions en Syrie et en Égypte, tout comme le font les chats domestiqués dans ces régions.

Eva Maria-Geigl, dans un entretien pour la revue Historia, n° 852 consacré aux chats, publiée en décembre 2017

C’est donc une opération double qui s’est déroulée : une approche opportuniste d’un chat qui n’avait pas tant peur de l’Homme, et l’intérêt pour les premiers agriculteurs de laisser le félin les débarrasser des rongeurs mangeant leurs premières récoltes.

En Asie extrême-orientale, le Chat Léopard fut le premier, mais vite abandonné pour le Chat sauvage venu de la Méditerranée

En Asie, au Néolithique toujours, les agriculteurs tentent l’apprivoisement d’une autre espèce, bien installée dans la région : le Prionailurus bengalensis, plus connu comme le Chat Léopard. Les archéologues ont découvert plusieurs squelettes dans des villages comme en Chine. On citera les exemples étudiés dans les travaux de Jean-Denis Vigne (et oui, encore lui !) et une équipe internationale, dont une université chinoise. L’exemple le plus frappant est le chat dit de Wuzhuangguoliang (dans la région de Jinghian, dans la province chinoise de Shaanxi). Un dépôt dans un village, dont un squelette d’un Chat Léopard, déposé là précieusement, il y a entre 5200 – 4900 ans.

Mais il y a près de 2 000 ans, alors que la route de la Soie est désormais bien intégrée à l’économie reliant la Chine à la Méditerranée, le chat sauvage d’Afrique fait son entrée en Chine. Et dans le reste de l’Asie par extension…

Prionailurus bengalensis, ou chat léopard. Les chinois tentèrent sa domestication dans les premiers millénaires du Néolithique.
Prionailurus bengalensis, ou Chat Léopard. Les chinois tentèrent sa domestication. Mais il fut vite remplacé par le felis silvestris lybica venu de la Méditerranée | Crédits : Parc du Sundarbans (Inde), en novembre 2013.

La domestication du chat par l’homme dans l’Histoire : à la conquête de l’Orient, de la Méditerranée et de l’Europe

Pour commencer, en Chine, la génétique a aussi parlé : les chats domestiques actuels ne sont pas des descendants des Chats Léopards. Les chats domestiques qui ronronnent tranquillement dans des dizaines de millions de foyers asiatiques, notamment chinois, sont tous des descendants du… chat sauvage d’Afrique ! Mais comment a-t-il pu arriver là ?

De fait, les romains semblent bien être la raison de tout cela, jusqu’en Chine. Tout commence en Méditerranée dans l’Antiquité avec les célèbres marins phéniciens,. La carte ici associée permet d’entrevoir le déploiement du chat de type felis silvestris lybica au Proche-Orient, puis autour de la Méditerranée et enfin en Europe.

Carte de l'expansion de la domestication du chat sauvage d'Afrique (Felis Lybica).
Carte de l’expansion de la domestication du chat sauvage d’Afrique (Felis Lybica) par l’Homme | Source : Antiquity Publications Ltd (leurs droits sont réservés).

Traçant des routes commerciales inédites, s’engageant dans un commerce que l’on dira international, le chat désormais bien domestiqué accompagne ensuite les romains. La route de la Soie, qui fait la jonction entre l’espace culturel méditerranéen et l’espace culturel chinois, semble avoir été aussi la “route du chat”. Voici enfin l’explication (hypothèse) la plus crédible ayant fait passer le Chat Léopard au second plan du Chat sauvage d’Afrique dans l’espace asiatique. Et cela il y a près de 2 000 ans.

En Egypte, une domestication du chat plus lente qu’il n’y paraissait

Bien avant les romains, remontons le temps, il apparaît que le Chat sauvage d’Afrique s’est rapidement fait connaître en Égypte dès le IVème millénaire av. J-C.. Cependant, il semble que la domestication de ce chat ait, là aussi, pris du temps dans l’histoire de la région. La génétique et son étude dévoilent que, peu à peu, c’est une “version égyptienne” du chat qui se développe près des foyers.

L’apparition des momies de chats (très nombreuses) ne veut pas dire domestication ! De fait, le chat semble une créature vénérée mais pas si présente aux côtés de l’homme dans son habitat personnel. Cependant, les représentations de chats à domicile (comme dans la tombe de Nakht) apparaissent finalement, mais sont tardives (IIème millénaire av. J.C.).

La paléogénétique dévoile désormais que c’est même la souche égyptienne qui fut massivement diffusée, dans l’Antiquité, autour de la Méditerranée, s’ajoutant aux plus anciennes implantations de ses lointains ancêtres venus du Néolithique avec les premiers agriculteurs.

Le chat dit "sous la chaise", reconstitué. Tombe de Nakht | TT52, découverte à Cheikh Abd el-Gournah (Egypte).
Le chat dit “sous la chaise”, reconstitué par Anna (Nina) Macpherson Davies. Tombe de Nakht – TT52, découverte à Cheikh Abd el-Gournah (Egypte) | Crédits : Ashmolean museum, Oxford, R-U.

En Europe, le Chat sauvage suit les hommes mais ne se laissera apprivoiser que bien plus tard

En effet, les récentes découvertes archéologiques comme génétiques démontrent qu’en Europe, il faut attendre un peu pour voir le chat s’installer. De fait, les Chats sauvages d’Afrique ont pu suivre les communautés néolithiques. Mais ils n’apparaissent, proches des hommes en Europe, que plus tard. Un lien plus tardif que dans l’espace méditerranéen. Les sous-espèces qui débutèrent cette “conquête” de l’Europe étaient principalement venues d’Anatolie (actuelle Turquie) au Vème millénaire av. J.C.. Incapables de traverser le détroit du Bosphore, ils ont du suivre (ou être emportés) par des hommes. Ces premiers chats furent suivis par d’autres générations de chats domestiqués, cette fois-ci venues par les conquêtes romaines.

Par la suite, le chat domestiqué (de la souche égyptienne) sera de nouveau massivement diffusé par les romains, nous l’avons déjà vu, à travers leur vaste empire. D’autres peuples les porteront plus loin encore, comme les célèbres vikings… Avant que le chat domestique ne conquiert le monde entier dès le XIXème siècle, importé alors dans les colonies en Amérique, en Afrique et dans le Pacifique. Tous issus du fameux Felis silvestris lybica !

Conclusion : des origines lointaines et une amitié qui tient toujours

L’Histoire n’est jamais vraiment écrite. Chaque découverte nous bouscule et la bouscule en même temps. En effet, archéologie et la recherche en génétique ont profondément modifié notre vision sur notre histoire commune avec le chat ainsi que celle de sa domestication par l’homme. Vous savez désormais que tous descendent du felis silvestris lybica, le chat sauvage d’Afrique. Et qu’une bonne partie d’entre eux est issue de la souche dite égyptienne.

Désormais, à la lecture de cet article qui, je l’espère, vous aura fait découvrir un passé inédit, vous ne regarderez plus votre chat de la même manière. Quand vous vous tournerez vers votre matou, réclamant un peu d’attention, vous n’oublierez plus son incroyable passé. Ce petit père, cette petit mère, possède une généalogie plongeant de plusieurs milliers d’années derrière nous. Un jour, un de ses ancêtres, au Proche-Orient, s’approchant par opportunisme d’un homme ou d’une femme, a tissé un lien des plus forts qui persiste aujourd’hui. C’est un peu d’histoire au cœur de nos foyers !

Des lectures pour aller plus loin sur l’histoire et la domestication du chat par l’homme

Sur la tombe d’un homme et d’un chat à Chypre

  • “Early Taming of the Cat in Cyprus”, par J-D. Vigne, J. Guilaine, K. Debue, L. Haye, P. Gérard, publié dans la revue scientifique Science, volume 304 / 5668, en avril 2004, article lisible aux pages p. 259‑259 (en anglais) [En ligne : ici].
  • L’excellent article (encore en anglais…) par la revue National Geographic sur la découverte à Chypre : “Oldest Known Pet Cat ? 9,500-Year-Old Burial Found on Cyprus”, par John Pickrell, publié le 8 avril 2004. A consulter : ici.
  • Article récapitulatif de la découverte sur MyScience (en français) : “Un chat apprivoisé à Chypre, plus de 7000 ans avant J.C”, publié le 12 mars 2018. A consulter : ici.
  • “Le chat, animal de très vieille compagnie”, par Sylvestre Huet, publié dans le journal Libération, le 10 avril 2004. A consulter : ici.
Jean-Denis Vigne, archéologue, découvreur du chat connu domestiqué le plus ancien au monde.
Jean-Denis Vigne, archéologue et grand spécialiste de la domestication au Néolithique – Crédits : vont entièrement à Jean-Denis Vigne, Jean-Pierre Digard et Catherine Chauveau (ici).

Sur l’origine des chats et leur domestication par l’homme en Chine ancienne

  • “Des chats apprivoisés en Chine plus de 3 000 ans avant notre ère”, par l’équipe de recherche scientifique sur le site officiel du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, publié le 29 janvier 2016. A consulter : ici.
  • “Earliest “domestic” cats in China identified as Leopard cat (Prionailurus bengalensis) , par J.-D. Vigne, A. Evin, T. Cucchi, L. Dai, C. Yu, S. Hu, N. Soulages, W. Wang, Z. Sun, J. Gao, Dobney K., Yuan J. dans un article pour la revue scientifique PLOS ONE et diffusé le 22 janvier 2016. A consulter (en anglais) : ici.

A propos de la diversité génétique des chats ayant faits l’objet d’une domestication

  • “Les ancêtres des chats ont beau avoir suivi l’Homme à la trace, ils n’ont mangé dans sa main que tardivement”, dans le journal Sciences et avenir, par Marine Benoit, diffusé le 13 juillet 2020. A consulter : ici.
  • “Comment le chat a-t-il conquis le monde et nous a-t-il domestiqués ?”, par Anne Debroise, publié sur Science &Vie, le 8 août 2021. A consulter : ici.
  • “The palaeogenetics of cat dispersal in the ancient world” pour la revue Nature, Ecology and Evolution”, Volume 1, publié le 19 juin 2017. L’incroyable travail mené par Eva-Maria Geigl, spécialiste et paléogénétique, et Thierry Grange, à la tête d’une immense équipe, pour retracer 9 000 ans d’expansion du chat. A consulter (entièrement et en anglais) : ici.
  • Le numéro 852 de la revue Historia, du mois de décembre 2017, intégrant des entretiens avec Eva-Maria Geigl et Thierry Grange. Extrait à consulter ici.
  • “The Dispersal of the Domestic Cat: Paleogenetic and Zooarcheological Evidence.” par Claudio Ottoni et Wim Van Neer, publié dans la revue Near Eastern Archeology (numéro 83), pages 38 à 45, en mars 2020. A consulter : ici.
  • “The Taming of the Cat.”, par Carlos A. Driscoll, Juliet Clutton-Brock, Andrew C. Kitchener et Stephen J. O’Brien, pour la revue Scientific American, numéro 300, pages 68-75. A consulter : ici.

Sur la domestication du chat par l’homme dans l’histoire de l’Egypte ancienne

  • The Cat in Ancient Egypt, par Jaromir Malek, un ouvrage phare sur le sujet, édité une première fois en 1993 aux British Museum Press de Londres (couverture ici de l’édition renouvelée en 2019).
  • VERSION FRANCAISE : Le Chat dans l’Égypte ancienne, par Jaromir Malek, publié en France en 2016 par les éditions Belles Lettres.
Le chat dans l'Egypte antique, par Jaromir Malek. Histoire et domestication du chat en Égypte.

Cet article est une création inédite par Cédric LABROUSSE – Il a nécessité de nombreuses heures de lectures spécialisées. Tous droits réservés à l’auteur. Tout usage ou copie du texte doit s’accompagner de la citation de son nom, du titre originel de l’article et inclure le lien vers l’article.

Par Cédric LABROUSSE

Le 20 novembre 2022

2 réflexions sur “Histoire du chat et sa domestication par l’homme au Néolithique

  • Marie-Christine BOUDINEAU

    Merci de nous faire partager le fruit de vos longues recherches… méritées par cette merveilleuse créature si vénérée à juste titre mais aussi si calomniée et même persécutée par suite d’incompréhension ou d’obscur acharnement.

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